Le Vieux Bon Dieu de Gembloux

16/08/2017 17:16
 
Dans le transept de droite de l’église Saint-Guibert, dans la chapelle du Saint Sauveur, se dresse une statue du Sauveur flagellé et couronné d’épines, un manteau rouge sur les épaules, debout, dans l’attitude classique de l’ « Ecce Homo ». Cette statue date du XVIIe siècle mais la dévotion du Vieux Bon Dieu est bien antérieure. Il y avait une plus ancienne statue (XVe s.), nettement plus petite, dans l’attitude du Bon Dieu de pitié, assis sur une base de colonne, dépouillé de ses vêtements, attendant le crucifiement. Peut-être était-ce celle qui se trouvait dans la niche du grand escalier menant à l’église.
 
 
 

Les origines de la dévotion

 
C’est à cette statue du XVIIe s.,que l’on vénère encore dans l’église décanale, qu’est attribuée le prodige du 8 mars 1653 qui fut à l’origine du succès de cette dévotion. Ce jour là, l’abbé Martin Draeck voulut faire déplacer la statue pour la mettre mieux à l’honneur à un meilleur endroit.
 
Voici le récit rapporté par l' "Abrégé des Merveilles arrivées à Gembloux"  2e édition (1661), préfacé par l’abbé  Martin Draek : « Comme elle fut dressée sur l’autel où on avoit destiné de l’attacher, une quantité de sang commença à en sortir et découler, de quoi surprinz et grandement effrayé se jetèrent tous à genoux, et paraprès le prélat qui en est  témoin oculaire, aussy bien que son professeur et ses trois religieux dit que l’on debvoit remporter l’image au lieu d’où on l’avait prins adjoutant que peut-être Dieu ne vouloit pas qu’elle fut déplacée… ».
 
 La nouvelle se répandit rapidement, amenant de nombreux curieux et pèlerins. Des guérissons extraordinaires se produisirent autour de la statue. Ces guérissons, dûment contrôlées par des médecins de Louvain, furent déclarées miraculeuses par l’évêque de Namur. Dès lors, la dévotion au Vieux Bon Dieu de Gembloux pris un essor considérable.
Le 6 août 1678 la ville fut complètement dévastée par un terrible incendie. Pas une maison ne resta indemne ; l’église paroissiale, l’église abbatiale, tout le monastère avec sa magnifique bibliothèque  furent anéantis. On ne sauva du désastre que la chapelle, la statue du Sauveur flagellé et une partie des précieux manuscrits.
 
 


Le rayonnement géographique

 

Aux chapelles qui existaient déjà (Thoricourt, Aische-en-Refail,…) vinrent s’ajouter d’autres lieux où le culte se répandit : Beauvechain, Braine-l’Alleud, Ecaussines-Lalaing, Ellezelles, Elouges, Enghien, Gand, Jandrenouille, Nil-Saint-Vincent, Ohain, Soignies et jusque dans le nord de la France, Lille et Hasnon où le dernier miracle attribué au Vieux Bon Dieu date de 1957.

 

A Leuze en Hainaut…

A Leuze, le Bon Dieu de pitié est adossé à la collégiale Saint-Pierre. Le passant qui croise son regard est marqué par l’expression de profonde tristesse qui s’en dégage. Il fait d’autant plus pitié , ce christ affligé  - que les leuzois appellent « El Djeu d’Giblot »- que plus grand monde ne semble s’y intéresser. Même l’urne que les sœurs de Saint-François de Sales venaient régulièrement relever reste désespérément vide. Celle-ci est sertie sur la grille qui protège la statue en bois polychrome. Une grille sur laquelle figure la date de 1681 mais qui ne correspond pas à la date de fabrication de la statue du « Bon Dieu de pitié ». Laquelle aurait été sculptée au XVI siècle. Par qui ? On l’ignore.

Ce surnom de « Dieu de Giblot » viendrait de la déformation patoisante le « Dieu de Gembloux ».

Peu avant la première guerre, Jules Deweert , féru d’histoire locale, a consacré plusieurs publications au rayonnement de l’abbaye de Gembloux  dans la région. Cette abbaye était notamment propriétaire d’une grande partie du village de Tourpes. Si l’on en croit cet historien, il est vraisemblable que l’Ecce homo leuzois  -qui est bien la copie d’une statue similaire de l’abbaye de Gembloux-  se trouvait jadis vers l’ancien cimetière, sur la route de Tourpes. Ancien cimetière proche autrefois de l’église Saint-Martin aujourd’hui disparue mais dont on retrouve encore des traces dans le sol du square du même nom.
La chapelle érigée –sans doute en 1681 comme en témoigne la date mentionnée sur la grille qui la protège- au pied de la collégiale comprend d’ailleurs, à sa base, un autel –dont le socle en marbre rose est frappé de la Croix de Malte- provenant de l’ancienne église Saint-Martin.

«l ‘Bon Djé d’pitié » a inspiré un joli poème à l’auteur patoisant leuzois Georges Jouret (+1978). En voici un court extrait :

 

 

Une aubaine pour la ville et l’abbaye de Gembloux

 

Au milieu des calamités qui assaillent Gembloux à cette époque, cette dévotion nouvelle relève le courage des foules avides de mystérieux, et font de ce lieu durement éprouvé par les guerres un centre de pèlerinage célèbre non seulement en Belgique mais encore en France et en Allemagne, et amène à Gembloux des foules considérables. Au dire d’un contemporain, les prodiges qui se produisaient devant la statue du Sauveur flagellé faisaient du bruit dans toute l’Europe.

La ville et le monastère profitent largement de l’afflux des pèlerins. Grâce aux dons des fidèles, l’abbé M. Draeck put rétablir les finances obérées de l’abbaye.

 

Les expressions populaires liées à cette dévotion

 

Dans un recueil de proverbes français du XIXe s., le dictionnaire de Quitard, on retrouve certaines expressions populaires relatives à ce sujet. Pour parler d’une personne mal accoutrée, on disait : « Elle ressemble au Bon Dieu de Gibelou». De quelqu’un qui regardait d’une façon ahurie, on le comparait au Bon Dieu de Giblot. D’une femme habillée avec mauvais goût, on disait en Picardie : «  Elle est comme Notre-Dame ed’ Giblou ». Pour comprendre cette expression il faut savoir que les pauvres gens avaient l’habitude de couvrir la statue de vieux haillons. Ils se reconnaissaient eux-mêmes dans cet accoutrement. Le christ s’étant identifié à eux dans leur misère, ils espéraient pouvoir s’identifier à Lui dans sa gloire.

Aujourd’hui, cette dévotion populaire est bien oubliée; la confiance des gens s’étant déplacée vers le psychiatre, le pharmacien, les assurances sociales…C’est ce qu’observait malicieusement  André Henin qui fut Doyen à Gembloux de 1972 à 1991.

 





Source: www.delcampe.be
 
 
 
 
Source :
Feuillet explicatif disponible dans l’église décanale. Texte de A. Henin – édit. Responsable Jean-Louis Cartiaux.



                                        Photo: Jean-Marie Pierret

                                         Photo: Jean-Marie Pierret
 
 


 
Sources:
 
 
La ville et le comté de Gembloux- Léon Namêche . Ed. J.Duculot  1964